Page:Lens - Derrière les vieux murs en ruines, roman marocain, 1922.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
derrière les vieux murs en ruines

peau, les têtes plates se redressent avec effort et se dardent l’une vers l’autre en agitant des langues aiguës. Ils se défient, s’abordent et s’enroulent étroitement. De cette corde vivante, l’homme cingle l’air au-dessus des gens effarés :

Enlève de ton âme la crainte,
Pourquoi t’effrayer ?
Celui qui tient la hache
A-t-il besoin de chercher la jointure ?
Il frappe où il veut,
Il possède l’acier puissant.
Moi, j’ai appelé la bénédiction de Mouley Abdelkader,
Moi, j’implore le secours de Sidi Ben Aïssa.

Tout en chantant, l’homme abandonne les reptiles enlacés et s’accroupit en face de cylindres en peau, sortes d’outres rigides, au col serré d’un lien.

Il plonge ses mains dans les profondeurs des outres et les retire pleines de serpents qu’il jette négligemment sur le sol : petits serpents luisants, lisses et blanchâtres, molles couleuvres aux écailles vert sombre, serpents épais, ronds et lourds, qui déroulent leurs anneaux avec pesanteur et semblent quitter à regret la retraite d’où ils sont extraits. Comment ces deux outres, d’apparence médiocre, pouvaient-elles recéler un tel nombre de serpents ?

Quelques-uns se sont éloignés du tas répugnant, et sinuent, dans la poussière, vers la foule