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derrière les vieux murs en ruines

toutes ces merveilles auront été réalisées par son rival pour la joie de Nazaréens… Et, sans doute, est-ce à ce mobile inavoué que nous devrons de vivre en un tel cadre de beauté.

Tandis que le vizir Hafidh se réjouissait avec ses hôtes, dans les salles supérieures, ouvertes par cinq arcades devant « le monde entier » — le vallon, les collines, les montagnes bleues, du matin, et roses, du crépuscule, — les femmes végétaient en ces longues pièces luxueuses et sombres qui donnent sur le riadh.

Mélancolie charmante du jardin revenu à l’état sauvage !

Allées de mosaïque jonchées de feuilles mortes ; vasque de marbre, verdâtre et branlante, dont l’eau ruisselle avec un bruit de sanglot ; tonnelle de passiflores, jamais émondée, que soutiennent des bois tournés et vermoulus ; enchevêtrement des rosiers, des lianes et des bananiers aux larges palmes ; oranges mûrissantes, dans le vert cru des feuillages ; petits pavillons précieusement peints, lavés par toutes les pluies ; et les fleurs des églantiers, pâles, décolorées, d’être nées à l’ombre de murailles vétustes et trop hautes…

En ces mois d’automne, le soleil ne dore plus que le faîte des arbres et le jardin frissonne, humide et morose dans la lumière glauque de ses bosquets.

Quelques lézards sinuent, rapides, à la poursuite d’un insecte ; des merles sautillent à travers les