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ruisseaux partis pour le tour du monde, et les toits et les flèches des édifices brillaient au soleil.

Cette après-midi, la foule affairée qui roule incessamment ses ondes dans Paris s’était accrue de tous les gens de loisir qui choisissent l’heure et le jour de la sortie ; on eût dit que le sel venait de produire des enfants, comme l’arbre des feuilles, tant ils essaimaient nombreux. Sur ces naïves figures, l’épanouissement de l’être conscient déjà brillait en rayon ou en sourire ; et même chez ces affairés qui vont, enveloppés de leurs préoccupations, droit à leur but ; sur tous ces visages animés de passions diverses, pâles ou colorés, maigres ou bouffis, joyeux ou soucieux, pleins d’eux-mêmes ou pleins de tristesse, on pouvait reconnaître, au relâchement des muscles, à l’attendrissement du regard, à certaines lueurs fugitives, l’influence universelle de ce renouveau qui jetait au nez de Paris ses bouffées, infiltrait au milieu de ses miasmes un peu d’air pur, et venait rappeler à cette capitale du factice la grande nature.

Déjà les Champs-Élysées se peuplaient de leur personnel de l’été ; les jeux, les carrousels, les baraques de jouets et les bouquetières s’installaient. La grande allée, de la Concorde à l’Étoile, disparaissait sous le flot des équipages, pendant que, à droite et à gauche, dans les contre-allées, sur un fond plus terne de simple bourgeoisie, ressortaient les représentants du monde élégant et du monde étranger : Anglais plus ou moins rouges, opulentes Américaines, bottes hongroises, bonnets russes, Parisiennes délicates, enfants vêtus de velours, conduits par des laquais en livrée.