Page:Leo - Aline-Ali.djvu/141

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ment, de la part d’Ali avec une grande élévation de pensées.

« Si jeune ! disait Paul, émerveillé de la pure philosophie de son jeune ami, qui vous a pu faire de telles pensées ? Qui vous a composé une telle force de réaction contre l’abrutissement de nos mœurs ? À vous dire le vrai, moi aussi, d’abord, j’ai rougi, j’ai souffert dans ma conscience ; mais, ébranlé par l’exemple, à demi persuadé par l’opinion, la passion m’a trouvé sans force. Êtes-vous donc, vous, Ali, de nature si haute, que vous soyez même au-dessus des tentations ?

— J’ai eu ce bonheur, répondit simplement le jeune homme, de vivre dans un milieu pur, jusqu’à l’âge où mes sentiments de justice et ma raison avaient acquis assez de développement pour que le spectacle des choses viles et injustes ne m’inspirât que douleur et dégoût. Mon éducation a été solitaire et chaste. C’est beaucoup ; c’est tout peut-être. Le système prépondérant, qui consiste à jeter l’enfance, au hasard des plus tristes camaraderies, dans la vie réelle, détruit en germe le bien au profit du mal. Il me semble, Paul, que tout être non vicieux qui, en s’occupant de fortifier son esprit, a grandi dans une sainte ignorance, ne peut être que révolté dans son cœur et dans sa raison en voyant l’homme souiller les sources de sa propre vie et joindre à cet égard l’inconséquence la plus absurde à l’égoïsme le plus barbare.

« Car en ce temps où tout le monde, plus ou moins, parle d’égalité, qu’est-ce que ce droit de l’homme aux amours faciles ? N’est-ce pas la création d’une caste de parias, condamnés à la honte et à la mi-