Page:Leo - Aline-Ali.djvu/202

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chose, la passion, c’est-à-dire la femme. Mais c’était en vain que je m’efforçais d’incarner ce rêve en une figure féminine, en vain que j’évoquais les traits de Rosina ; tout cela me fuyait : ta figure seule se présentait à ma vue obstinément. Est-ce étrange ? C’est te dire à quel point tu remplis mon cœur. Ah ! tiens, avec une pareille amitié, ai-je le droit de me plaindre de l’amour ?……

« Qu’as-tu, mon enfant ? Tu te tais et tu me caches ton visage… Dis-moi tes rêves aussi, tes rêves d’amour, qui doivent être si purs et si beaux. Sais-tu l’idée qui me vient parfois en voyant ta mélancolie et ton insensibilité près des femmes, c’est que tu as peut-être un secret pour ton ami, et que ce secret serait un chagrin d’amour ? »

En parlant ainsi, du bras qu’il avait jeté sur l’épaule d’Ali, Paolo l’attira vers lui et le força de s’appuyer sur son sein. Mais la question restait sans réponse.

« Tu ne dis rien ? c’est ce que j’ai deviné.

— Paolo, je n’aime que toi… Je te le jure !… »

Paolo le pressa sur son cœur avec une tendresse profonde.

« Quelle femme, dit-il, sera digne de toi ? Ah ! celle que tu aimeras, si elle te trompait, je l’écraserais ! »

Tout à coup il redressa vivement la tête pour envisager Ali.

« Tu pleures ! s’écria-t-il.

— Non, » murmura le jeune homme.

Cependant, au rayonnement de la lune qui frappait la barque, Paolo vit briller d’un éclat humide paupières d’Ali. Pendant quelques instants, ils