Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/162

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salvan, et lui ferez de temps en temps la morale.

— La morale prêchée a toujours peu de puissance, Monsieur, je mettrai Anténor en relation avec des jeunes gens honnêtes.

— M. de Montsalvan a parfaitement raison, reprit le Forgeot. Ce n’est pas de la morale qu’il faut aux jeunes gens ; c’est du sens commun ; il faut leur faire comprendre leur intérêt, voilà tout. Si j’avais un fils, je ne le gronderais jamais ; je me ferais son confident et me bornerais à lui montrer les dangers qu’il court. Je suppose qu’à l’âge de quinze ans, il vienne me dire : Papa, je sors de chez une fille. Soit, mon ami, lui répondrais-je ; mais as-tu bien songé à ta santé ? etc……

J’écris ces paroles telles qu’elles ont été prononcées devant moi. Elles sont historiques. Ce qu’il faudrait pouvoir y ajouter, c’est le ton de paterne bonhomie, l’air de sagesse complaisante qu’avait cet homme en disant cela. Pour moi, je n’ai jamais senti avec tant de force quel vide crée dans l’âme humaine l’intérêt matériel, devenu culte. Cet homme n’est pas même corrompu ; il n’a plus d’âme.

J’ai regardé Clotilde, c’était à elle de parler. C’était à elle de souffleter ce misérable de son indignation, dont le père et le fils méritaient leur part. Elle a trente ans, elle est chez elle, elle est femme, et comme telle devait protester. Mais elle est restée immobile, les yeux baissés sur sa broderie. C’est de la pudeur probablement, mais c’en est trop, ou plutôt pas assez. Moi, j’aurais éclaté, je suis sorti.

Je marchais depuis longtemps, et la pluie tombait de