Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/60

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Elle s’était rassise en effet, et s’établissait dans le fauteuil, aussi carrément que si elle eût dû y passer le reste de la nuit. Je ne cède guère à la violence, et j’eus un instant la tentation d’aller me jeter sur mon lit, pour faire pendant à sa résolution. Une si mauvaise pensée toutefois ne fit que me traverser la tête :

— J’irai voir demain mademoiselle Blanche, dis-je à la fin.

— À la bonne heure ! s’écria Clotilde, qui, je crois, faillit me sauter au cou, mais se borna pourtant à me serrer la main. Vous la reverrez, et le sacrifice de votre orgueil vous deviendra bien facile. Songez pourtant que, s’il est en rapport avec votre légèreté et votre imprudence, vis-à-vis d’une jeune fille confiante et pure, il ne peut être mis en balance avec les délices d’un amour vrai.

Elle avait de nouveau cent fois raison. Aujourd’hui, je suis encore tout étonné de me marier ; mais j’en suis heureux, c’est l’essentiel.

Il ne faut pas que j’oublie de te rassurer sur le compte de la tante Clotilde. Tout dormait dans l’hôtel comme dans la ville quand j’allai explorer sa route, et elle regagna sa demeure saine et sauve sous les vastes plis et le capuchon de son burnous noir. Je te ferai connaître plus tard ma nouvelle famille ; car mon mariage est chose à peu près conclue. Tâche de réussir de ton côté, puisque tu le veux.

Quant à moi, je suis parvenu à être heureux sans le vouloir ; peut-être est-ce le meilleur moyen ? Le destin se laisse rarement poursuivre, il fond sur nous. À bientôt.

William.