Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

çait à se faire du mauvais sang en pensant aux conditions du bail à renouveler. Bien sûr, on allait vouloir lui faire payer tout ce qu’il avait donné de valeur de plus à la ferme, c’est-à-dire en vérité son propre travail, et il ne trouvait point cela bon. Mais comment faire ? Quitter ? Prendre une autre ferme ? Ce serait toujours la même chose. Et de quitter le Bourny, le cœur lai saignait rien que d’y penser. Il avait peur cependant qu’on lui demandât une trop grosse somme et ne songeait plus à autre chose, quand le propriétaire vint à mourir.

Ce bourgeois n’avait qu’un fils, un mange-tout, qui mit tout de suite les biens en vente. Ah ! c’est pour le coup que maître Chazelles eut la fièvre et que tous les cœurs battirent au Bourny. Si quelqu’un allait acheter avant que Chazelles eût fait ses propositions et qu’elles fussent acceptées !… Oui, Mathurin Chazelles voulait devenir propriétaire de Bourny ! Il avait pour cela 18,000 francs comptant quelque part, et si l’on consentait à se contenter pour le reste d’une hypothèque… Le mange-tout eût mieux aimé tout avoir d’un coup ; mais il ne trouva pas sur-le-champ d’autre acquéreur, et, par intérêt pour lui, le notaire de la famille jugea qu’il valait mieux que le paiement fût à terme, afin qu’il en eût pour plus longtemps ; il favorisa donc Chazelles.

Enfin, l’acte fut passé — depuis le jour de son mariage, Mathurin Chazelles n’avait vu d’aussi beau jour — l’acte fut passé pour la somme de 35,000 fr., dont 18,000 payés comptant et le reste en dix années, de deux en deux ans. Depuis ce temps, les Chazelles étaient chez eux au Bourny et leur activité n’avait été que plus grande encore. Oh ! oui, l’on y travaillait de grand cœur à l’enrichir, à l’embellir, ce cher bien, cette patrie des enfants, qui n’avaient point en d’autre nid, ce prix des sueurs du père et de la mère pendant dix-huit ans ! Maintenant tout était profit ; car les fils, même pendant la moisson, suffisaient à aider le père et les filles, la mère : cinq garçons,