Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/89

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— C’est bien étrange, dit Lucie, qu’une chose reconnue bonne et honnête ne puisse pas se faire à cause de l’opinion.

Sans répondre à cette observation, Mme Bertin continua :

— Il y a bien encore un millier de foin dans la grange ; mais quand le vendrons-nous ? Et ce ne sera jamais qu’une trentaine de francs, avec lesquels il faudra patienter jusqu’à la récolte. Puis nous devons vingt francs au cordonnier. Heureusement nous avons assez de blé pour attendre la moisson prochaine ; c’est le principal. Ah ! si ce n’était la maladie de ta sœur, nous pourrions, comme autrefois, quoique malaisément, joindre les deux bouts, le champ fournissant le pain, le jardin les légumes, les poules et les pigeons variant un peu l’ordinaire, et le produit du pré payant le vêtement. Tout notre mal vient de cette maladie. La main de Dieu s’est appesantie sur nous ! Et pourtant je vendrais mes chemises plutôt que de laisser Clarisse manquer de rien ! Il ne faut pas compter sur les Bourdon.

— Oh ! je ne voudrais pas, maman, recourir à eux. Pourtant, je suis sûre que dans un cas pressant mon oncle viendrait à notre aide.

— Tu ne sais donc pas ce qu’il a répondu à ton père qui lui demandait un prêt de cent francs ! C’était pour le trousseau de Gustave, quand il est allé à Poitiers. Eh bien ! M. Bourdon n’a pas rougi de mettre dix francs dans la main de son cousin, disant qu’il était à court d’argent, qu’il empruntait lui-même, et que, pour maintenir l’ordre dans ses affaires, il s’était fait une loi de donner ce qu’il pourrait, mais de ne prêter jamais. Ton père a dignement agi : il n’a pas voulu recevoir les dix francs, et désormais il songerait à emprunter au Grand-Turc plutôt qu’à M. Bourdon.