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grand commencement, c’est le stade de la matière palpable. Le grand flux, c’est le stade de la matière plastique, des substances corporelles, des êtres matériels actuels. — L’état primitif, alors que la matière était encore imperceptible, s’appelle aussi Hounn-lunn ; ce qui signifie que, alors, tous les êtres à venir dans la suite, étaient contenus comme dans une houle confuse, indiscernables, inconnaissables. Son nom ordinaire est I la mutation, parce que de lui tout sortira par voie de transformation. — Partant de l’état non-sensible et non-différencié, commençant par un, la progression passant par sept, alla jusqu’à neuf[1]; la régression ramènerait tout à l’unité. — Un fut le point de départ de la genèse des êtres sensibles. Elle se produisit en cette manière : La matière plus pure et plus légère étant montée, devint le ciel ; la matière moins pure et plus lourde étant descendue, devint la terre ; de la matière la mieux tempérée, restée dans le vide médian, sortirent les hommes. L’essence de tous les êtres fit d’abord partie du ciel et de la terre, d’où tous les êtres sortirent successivement par voie de transformation.

D. Lie-tzeu dit : Pris isolément, le ciel et la terre n’ont pas toutes les capacités, un Sage n’a pas tous les talents, un être n’a pas toutes les propriétés. Le ciel donne la vie et couvre, la terre fournit la matière et porte, le Sage enseigne et amende, les êtres ont chacun ses qualités propres limitées. Le ciel et la terre ont leurs déficits respectifs qu’ils compensent réciproquement, le Sage a ses défauts qui l’obligent à recourir à autrui, tous les êtres doivent s’entr’aider. Le ciel ne peut pas suppléer la terre, la terre ne peut pas remplacer le Sage, le Sage ne peut pas changer la nature des êtres, les êtres spécifiques ne peuvent pas sortir de leur degré. L’action du ciel et de la terre consiste dans l’alternance du yinn et du yang, l’influence du Sage consiste à inculquer la bonté et l’équité, la nature des êtres est active ou passive ; tout cela est naturel et immuable. — Parce qu’il y a des produits, il y a un producteur de ces produits. Il y a un auteur, des formes corporelles, des sons, des couleurs, des saveurs. Les produits sont mortels, leur producteur ne l’est pas. L’auteur des formes corporelles n’est pas corporel, celui des sons n’est pas perceptible à l’ouïe, celui des couleurs n’est pas visible à l’œil, celui des saveurs n’est pas perçu par le goût. Sauf son infinité et son immortalité, le producteur, l’auteur (le Principe), est indéterminé, capable de devenir, dans les êtres, yinn ou yang, actif ou passif ; contracté ou étendu, rond ou carré, agent de vie ou de mort, chaud ou froid, léger ou lourd, noble ou vil, visible ou invisible, noir ou jaune, doux ou amer, puant ou parfumé. Dépourvu de toute connaissance intellectuelle et de toute puissance intentionnelle, il sait tout et peut tout, (car il est immanent dans tout ce qui sait et peut, ce qui est, dit la Glose, la connaissance et la puissance suprême).

E. Comme Lie-tzeu, qui se rendait dans la principauté de Wei, prenait son repas au bord du chemin, quelqu’un de ceux qui l’accompagnaient ayant vu un crâne séculaire qui gisait là, le ramassa et le lui montra. Lie-tzeu le regarda, puis dit à son disciple Pai-fong : Lui et moi savons que la distinction entre la vie et la mort n’est qu’imaginaire, lui par expérience, moi par raisonnement. Lui et moi savons, que tenir à la vie et craindre la

  1. Sept est, je pense, une allusion à la genèse des sept corps célestes, les sept recteurs de la philosophie chinoise. Neuf, le dernier des chiffres simples, après lequel multiples à l’infini.