Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/450

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aurait-il entre eux un autre ordre, que la priorité dans le temps ? Pourquoi leur évolution cesserait-elle, avec la déposition de leur forme actuelle ? Comprendre cela à fond, voilà la vraie science. Celui qui l’a compris, ayant une base ferme, embrassera toute la chaîne des êtres, unifiera ses puissances, fortifiera son corps, rentrera ses énergies, communiquera avec l’évolution universelle. Sa nature conservant sa parfaite intégrité, son esprit conservant son entière liberté, rien d’extérieur n’aura prise sur lui. Si cet homme, en état d’ivresse, tombe d’un char, il ne sera pas blessé mortellement. Quoique ses os et ses articulations soient comme ceux des autres hommes, le même traumatisme n’aura pas sur lui le même effet ; parce que son esprit, étant entier, protège son corps. L’inconscience agit comme une enveloppe protectrice. Rien n’a prise sur le corps, quand l’esprit n’est pas ému. Aucun être ne peut nuire au Sage, enveloppé dans l’intégrité de sa nature, protégé par la liberté de son esprit.

E. Lie-uk’eou (Lie-tzeu) tirait de l’arc en présence de Pai-hounn-ou-jenn, une tasse contenant de l’eau étant attachée sur son coude gauche. Il bandait l’arc de la main droite, à son maximum, décochait, replaçait une autre flèche, décochait encore ; et ainsi de suite, avec l’impassibilité d’une statue, sans que l’eau de la tasse vacillât. — Pai-hounn-ou-jenn lui dit : — Votre tir est le tir d’un archer tout occupé de son tir (tir artificiel), non le tir d’un archer indifférent pour son tir (tir naturel). Venez avec moi sur quelque haute montagne, au bord d’un précipice, et nous verrons si vous conservez encore cette présence d’esprit. — Les deux hommes firent ainsi. Pai-hounn-ou-jenn se campa au bord du précipice, dos au gouffre, ses talons débordant dans le vide (or l’archer doit se rejeter en arrière pour bander), puis salua Lie-uk’eou d’après les rites, avant de commencer son tir. Mais Lie-uk’eou, saisi de vertige, gisait déjà par terre, la sueur lui ruisselant jusqu’aux talons. — Pai-hounn-ou-jenn lui dit : Le sur-homme plonge son regard dans les profondeurs du ciel, dans les abîmes de la terre, dans le lointain de l’horizon, sans que son esprit s’émeuve. Il me paraît que vos yeux sont hagards, et que, si vous tiriez, vous n’atteindriez pas le but.

F. Un membre au clan Fan, nommé Tzeu-hoa, très avide de popularité, s’était attaché tout le peuple de la principauté Tsinn. Le prince de Tsinn en avait fait son favori, et l’écoutait plus volontiers que ses ministres, distribuant à son instigation les honneurs et les blâmes. Aussi les quémandeurs faisaient-ils queue à la porte de Tzeu-hoa, lequel s’amusait à leur faire faire devant lui assaut d’esprit, à les faire même se battre, sans s’émouvoir aucunement