Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/464

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déférence est sûre, car elle n’a que des amis. Tout réussit au déférent, et dans la vie privée, et dans la vie publique ; tandis que l’arrogant n’a que des insuccès. Aussi U-tzeu a-t-il dit, que la puissance doit toujours être tempérée par la condescendance ; que c’est la condescendance qui rend la puissance durable ; que cette règle permet de pronostiquer à coup sûr, si tel particulier, si tel État, prospérera ou dépérira. La force n’est pas solide, tandis que rien n’égale la solidité de la douceur. Aussi Lao-tan a-t-il dit : « la puissance d’un état lui attire la ruine, comme la grandeur d’un arbre appelle la cognée. La faiblesse fait vivre, la force fait mourir. »

Q. Le Sage s’allie avec qui a les mêmes sentiments intérieurs que lui, le vulgaire se lie avec qui lui plaît par son extérieur. Or dans un corps humain peut se cacher un cœur de bête ; un corps de bête peut contenir un cœur d’homme. Dans les deux cas, juger d’après l’extérieur, induira en erreur. — Fou-hi, Niu-wa, Chenn-noung, U le Grand, eurent, qui une tête humaine sur un corps de serpent, qui une tête de bœuf, qui un museau de tigre ; mais, sous ces formes animales, ce furent de grands Sages. Tandis que Kie le dernier des Hia, Tcheou le dernier des Yinn, le duc Hoan de Lou, le duc Mou de Tch’ou, furent des bêtes sous forme humaine[1]. — Quand Hoang-ti livra bataille à Yen-ti dans la plaine de Fan-ts’uan, des bêtes féroces formèrent son front de bataille, des oiseaux de proie ses troupes légères. Il s’était attaché ces animaux par son ascendant. — Quand Yao eut chargé K’oei du soin de la musique, les animaux accoururent et dansèrent, charmés par ces accents. — Peut-on dire, après cela, qu’il y ait, entre les animaux et les hommes, une différence essentielle ? Sans doute, leurs formes et leurs langues différent de celles des hommes, mais n’y aurait-il pas moyen de s’entendre avec eux malgré cela ? Les Sages susdits, qui savaient tout et qui étendaient leur sollicitude à tous, surent gagner aussi les animaux. Il y a tant de points communs entre les instincts des animaux et les mœurs des hommes. Eux aussi vivent par couples, les parents aimant leurs enfants. Eux aussi recherchent pour s’y loger les lieux sûrs. Eux aussi préfèrent les régions tempérées aux régions froides. Eux aussi se réunissent par groupes, marchent en ordre, les petits au centre, les grands tout autour. Eux aussi s’indiquent les bons endroits pour boire ou pour brouter. — Dans les tout premiers temps, les animaux et les hommes habitaient et voyageaient ensemble. Quand les hommes se furent donné des empereurs et des rois, la défiance surgit et causa la séparation. Plus tard la crainte éloigna de plus en plus les animaux des hommes. Cependant, encore maintenant, la distance n’est pas infranchissable. A l’Est, chez les Kie-cheu, on comprend encore la langue, au moins des animaux domestiqués. Les anciens Sages comprenaient le langage et pénétraient les sentiments de tous les êtres, communiquaient avec tous comme avec leur peuple humain, aussi bien avec les koei les chenn les li les mei (êtres transcendants), qu’avec les volatiles les quadrupèdes et les insectes. Partant de ce principe, que les sentiments d’êtres qui ont même sang et qui respirent même air, ne peuvent pas être grandement différents, ils traitaient les animaux à peu près comme des hommes, avec succès. — Un éleveur de singes de la principauté Song, était arrivé à comprendre les singes, et à se faire

  1. TH pages 23, 24, 25, 47. — 59, 85, 138, 149. — 27.