Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le Sage préfère la vie aux biens. Ah ! fit le brigand, vous êtes un Sage. Quand il eut rapporté ce mot aux autres brigands, ceux-ci dirent : Si c’est un Sage, il doit aller voir le prince de Tchao. Il va nous accuser et nous perdre. Tuons-le à temps. ... Ils coururent après Niou-k’ue et le tuèrent. — Or un homme de Yen ayant appris cette histoire, réunit ses parents et leur dit : si vous rencontrez jamais des brigands, ne vous laissez pas faire, comme fit Niou-k’ue de Chang-ti. ... A quelque temps de là, le frère cadet de cet homme allant à Ts’inn, rencontra des brigands près des passes. Se souvenant de l’instruction de son frère aîné, il fit toute la résistance possible. Quand les voleurs furent partis, il courut après eux, réclamant ce qu’ils lui avaient pris, avec force injures. C’en fut trop. Nous t’avions laissé la vie, contre l’usage, lui dirent-ils. Mais puisque, en nous poursuivant, tu nous exposes à être pris, il nous faut te tuer. Quatre ou cinq personnes qui l’accompagnaient, furent tuées avec lui. Morale, ne pas se vanter ; s’effacer.

P. Un certain U, gros richard de Leang, ne savait que faire de ses richesses. Ayant fait bâtir une terrasse près de la grande route, il y établit un orchestre, et passa son temps à boire et à jouer aux échecs, avec des hôtes de tout acabit, aventuriers ou spadassins pour la plupart. Un jour qu’un de ces hôtes fit un beau coup au jeu, le U dit en riant et sans penser à mal : oh ! voilà qu’une buse a ramassé un mulot crevé ! (c’est un coup de hasard). Les joueurs le prirent mal. Cet U, dirent-ils entre eux, est riche depuis trop longtemps. Cela le rend arrogant. Mettons-y ordre ! Nous avons été insultés ; lavons notre honneur. — Ils prirent jour, se réunirent en armes, et détruisirent la famille U, par le fer et l’incendie. Morale, le luxe et l’arrogance perdent.

Q. Dans l’Est, un certain Yuan-tsing-mou qui voyageait, défaillit d’inanition sur le chemin. Un brigand de Hou-fou, nommé K’iou, qui passa par là, lui versa des aliments dans la bouche. Après la troisième gorgée, Yuan-tsing-mou revint à lui. — Qui êtes-vous ? demanda-t-il. — Je suis le nommé K’iou de Hou-fou, dit l’autre. — Oh ! fit Yuan-tsing-mou, n’es-tu pas un brigand ? Et tu m’as fait avaler de tes aliments ? Je suis un honnête homme, je ne les garderai pas ! ... Et, s’appuyant sur ses deux mains, notre homme se mit à faire, pour vomir, des efforts si violents, qu’il expira sur place. — Il agit sottement. Si K’iou de Hou-fou était un brigand, ses aliments n’avaient rien du brigand. En appliquant aux aliments ce qui revenait au brigand, ce Yuan-tsing-mou montra qu’il manquait de logique.

R. Tchou-li-chou servait le duc Nao de Kiu. Trouvant que celui-ci le traitait trop froidement, il le quitta, et alla vivre en ermite au bord de la mer, mangeant des macres en été, des glands et des châtaignes en hiver. Quand le duc Nao eut péri, Tchou-li-chou fit ses adieux à ses amis, et leur déclara qu’il allait se suicider. — Ses amis lui dirent : vous avez quitté le duc parce qu’il vous traitait froidement, et maintenant vous voulez vous tuer