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Alors plaçons nous en dehors du temps, au delà des raisonnements. Envisageons la question à l’infini, distance à laquelle tout se fond en un tout indéterminé.


I.   Tous les êtres appartenant au Tout, leurs actions ne sont pas libres, mais nécessitées par ses lois… Un jour la pénombre demanda à l’ombre : pourquoi vous mouvez vous dans tel sens ?.. Je ne me meus pas, dit l’ombre. Je suis projetée par un corps quelconque, lequel me produit et m’oriente, d’après les lois de l’opacité et du mouvement… Ainsi en est il de tous les actes.


J.   Il n’y a pas d’individus réellement tels mais seulement des prolongements de la norme… Jadis, raconte Tchoang-tzeu, une nuit, je fus un papillon, voltigeant content de son sort. Puis je m’éveillai, étant Tchoang-tcheou. Qui suis-je, en réalité ? Un papillon qui rêve qu’il est Tchoang-tcheou, ou Tchoang-tcheou qui s’imagine qu’il fut papillon ? Dans mon cas, y a-t-il deux individus réels ? Y a-t-il eu transformation réelle d’un individu en un autre ? — Ni l’un, ni l’autre, dit la Glose. Il y a eu deux modifications irréelles de l’être unique, de la norme universelle, dans laquelle tous les êtres dans tous leurs états sont un.


Chap. 3. Entretien du principe vital.

A.   L’énergie vitale est limitée. L’esprit est insatiable. Mettre un instrument limité à la discrétion d’un maître insatiable, c’est toujours périlleux, c’est souvent funeste. Le maître usera l’instrument. L’effort intellectuel prolongé, exagéré, épuisera la vie. — Se tuer à bien faire pour l’amour de la gloire, ou périr pour un crime de la main du bourreau, cela revient au même ; c’est la mort, pour cause d’excès, dans les deux cas. Qui veut durer, doit se modérer, n’aller jusqu’au bout de rien, toujours rester à mi-chemin. Ainsi pourra-t-il conserver son corps intact, entretenir sa vie jusqu’au bout, nourrir ses parents jusqu’à leur mort, durer lui-même jusqu’au terme de son lot.


B.   Le boucher du prince Hoei de Leang dépeçait un bœuf. Sans effort, méthodiquement, comme en mesure, son couteau détachait la peau, tranchait les chairs, disjoignait les articulations. — Vous êtes vraiment habile, lui dit le prince, qui le regardait faire. — Tout mon art, répondit le boucher, consiste à n’envisager que le principe du découpage. Quand je débutai, je