Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/838

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enfermés dans les prisons. Ceux qui ont volé beaucoup, sont assis sur les trônes. Voler en grand, serait ce opportunisme et sagesse ?.. Et puis, les politiciens sont ils vraiment les purs que vous dites ? C’est à la porte des grands voleurs (des princes feudataires), qu’on les trouve postés, en quémandeurs. Siao-pai duc Hoan de Ts’i, tua son frère aîné, pour épouser sa veuve ; et malgré cela Koan-tchoung consentit à devenir son ministre, et lui procura, per fas et nefas, le pas, comme hégémon, sur les autres feudataires. Confucius a accepté un cadeau de soieries de Tien-Tch’eng-tzeu, l’assassin de son prince et l’usurpateur de sa principauté. La morale naturelle exigeait que ces deux politiciens censurassent leurs patrons. Ils firent, au contraire, les chiens couchants, devant eux. C’est leur opportunisme (égoïste, visant au profit personnel), qui les fit ainsi descendre jusqu’à étouffer leur conscience. C’est d’eux qu’a été écrit ce texte : Oh ! le bien ; oh ! le mal... Ceux qui ont réussi, sont les premiers ; ceux qui ne sont pas parvenus, sont les derniers. — Tzeu-tchang reprit : Si vous abandonnez toutes choses à la liberté naturelle, si vous n’admettez aucune institution artificielle, c’en sera fait de tout ordre dans le monde ; plus de rangs, plus de degrés, plus même de parenté. — Man-keou-tei dit : Est ce que vos politiciens, qui affectent de faire tant de cas de ces choses, les ont bien observées ? Voyons vos parangons ! Yao mit à mort son fils aîné. Chounn exila son oncle maternel. Quel respect pour la parenté !.. T’ang exila son suzerain Kie, Ou tua Tcheou. Quel respect pour les rangs !.. Le roi Ki supplanta son frère aîné, le duc de Tcheou tua le sien. Quel respect pour les degrés !.. Ah oui, les disciples de K’oung-ni parlent doucereusement, les disciples de Mei-ti prêchent la charité universelle, et voilà comme ils agissent pratiquement. — La discussion n’aboutissant pas, Tzeu-tchang et Man-keou-tei s’en remirent à un arbitre, lequel prononça ainsi : Vous avez tous les deux tort et raison, comme il arrive quand on tient une position trop tranchée. Le vulgaire ne voit que la richesse ; le politicien ne prise que la réputation. Pour arriver à leur but, ils luttent et s’usent. Sage est celui qui considère le oui et le non, du centre de la circonférence (comparez chap. 2 C), et qui laisse la roue tourner. Sage est celui qui agit quand les circonstances sont favorables, qui cesse d’agir quand il en est temps. Sage est celui qui ne se passionne pour aucun idéal. Toute poursuite d’un idéal est funeste. Leur obstination dans la loyauté, fit arracher le cœur à Pi-kan, et crever tes yeux à Ou-tzeusu. Leur acharnement à dire vrai, à tenir la parole donnée, poussa Tcheu-koung à témoigner en justice contre son père, et Wei-cheng à se laisser noyer sous un pont. Leur désintéressement inflexible, fit que Pao-tzeu mourut à genoux au pied d’un arbre, et que Chenn-tzeu fut ruiné par les artifices de Ki de Li. Confucius n’honora pas la mémoire de sa mère, K’oang-tchang se fit chasser par son père, pour cause de scrupules rituels exagérés. Ce sont là des faits historiques connus. Ils prouvent que toute position extrême devient fausse, que toute obstination exagérée ruine. La sagesse consiste à se tenir au centre, neutre et indifférent.


C.   Inquiet dit à Tranquille : Tout le monde estime la réputation et la fortune. La foule courtise les parvenus, s’aplatit devant eux et les exalte. La satisfaction que ceux ci en éprouvent, fait qu’ils vivent longtemps. Pourquoi