Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/67

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Retourne-toi, regarde, ô ma patrie, et voi,
Phalange d’Immortels évoqués devant toi,
Passer tes pères ! Pleure, et de ta somnolence
Rougis, indigne-toi ! La douleur est démence
Sans l’indignation en de tels jours, hélas !
Rougis, réveille-toi ! Ton cœur n’est-il pas las
D’opprobres ! Des aïeux que l’altière pensée
Te rende au sentiment de ta grandeur passée !

De langage, et d’aspect, et de climat divers,
Hôtes venus de tous les points de l’univers,
Des étrangers, jadis, pèlerins de la gloire,
Parcouraient du pays toscan le territoire,
Cherchant partout l’endroit où reposait Celui
Dont l’âme et dont les vers d’un tel éclat ont lui,
Que le divin rhapsode, enfant de Méonie,
N’est plus seul dans la sphère où chantait son génie.
O honte ! on leur disait que ses os décharnés,
Ses restes refroidis à l’exil condamnés,
Gisaient encore au loin sous la terre étrangère,
Et qu’en tes murs, ô ville oublieuse et légère,
Florence ! tu n’avais ni pierre, ni tombeau
Pour Celui dont la gloire, irradiant flambeau
Couvrant de ses rayons ta détresse dorée,
Du monde entier te vaut encor d’être honorée !
Nobles concitoyens, par vous, hommes pieux,
Notre pays, lavé d’un opprobre odieux,
Rachète son passé. Groupe à l’âme fervente,
Votre entreprise est sainte et gardera vivante