Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/268

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triste Philis, ou que pleurait le fils désolé de Climène, celui qu’Apollon noya dans l’Éridan.

Et vous, durs rochers, vous n’étiez pas insensibles aux douloureux accents de la tristesse humaine, quand Écho solitaire habitait vos terribles cavernes, Écho qui n’était pas une vaine erreur des vents, mais l’âme misérable d’une nymphe qu’un funeste amour et un dur destin arrachèrent de ses tendres membres. Par les grottes, par les écueils nus, par les demeures désolées, elle enseignait à la voûte du ciel nos angoisses, qu’elle n’ignorait pas, et nos plaintes profondes et entrecoupées. Et toi, la renommée te prête des aventures humaines, oiseau musicien, qui dans le bois chevelu viens maintenant chanter l’année renaissante, et se lamenter, dans la profonde paix des champs, dans l’air muet et sombre, sur des malheurs antiques et un affront criminel, sur le jour qui devint pâle de colère et de pitié.

Mais ta race n’est point parente de la nôtre ; ces accents variés, la douleur ne les forme pas : innocent, tu es moins cher à la noire vallée qui te cache. Hélas ! hélas ! puisque vides sont les demeures de l’Olympe et aveugle le tonnerre qui, errant parmi les noires nuées et les montagnes, glace également d’une horreur dissolvante les cœurs injustes et les cœurs innocents ; et puisque la terre natale est une étrangère qui ignore les enfants dont elle nourrit la triste vie, ô toi, belle