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XVI

LA VIE SOLITAIRE.

(1819.)


Le matin, à l’heure où la poule bat des ailes et saute dans sa chambre fermée, où le villageois se montre à son balcon et où le soleil darde ses rayons tremblants à travers les gouttes qui tombent, la pluie qui frappe doucement ma cabane me réveille. Je me lève, et je bénis les nuées légères, les premiers gazouillements des oiseaux, la brise fraîche et les plages riantes. Car je vous ai trop vus et connus, murs fâcheux des villes, où la haine accompagne la douleur. Je vis affligé et je mourrai tel, ah ! bientôt ! En ces lieux la nature me témoigne quelque pitié, quoique bien peu : oh ! combien jadis elle me traita mieux ! Oui, tu dédaignes les malheurs et les chagrins, tu es l’esclave du bonheur tout puissant, ô nature. Au ciel, sur terre il ne reste aux infortunés d’autre refuge et d’autre ami que le fer.

Quelquefois je m’assieds dans un lieu solitaire sur une éminence, au bord d’un lac couronné de