Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/106

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découvre aujourd'hui. Mais néanmoins les hommes se complaisaient, sans que la satiété leur vint, à regarder et à considérer le ciel et la terre, s'émer- veillant outre mesure et estimant ces deux choses fort belles et non seulement vastes, mais infinies en grandeur comme en majesté et en grâce. Ils se nourrissaient en outre de joyeuses espérances, re- tiraient d'incroyables plaisirs de chacun des senti- ments de leur vie, grandissaient dans le contente- ment, et se croyaient presque possesseurs de la félicité. Ainsi se passèrent fort doucement leur enfance et leur première adolescence. Arrivés à un âge plus mûr, ils commencèrent à éprouver quelque changement. Comme les espérances, que jusqu'alors ils avaient remises de jour en jour, ne se réalisaient point, il leur parut qu'elles méritaient peu de foi. Se contenter des jouissances présentes, sans se pro- mettre aucun accroissement de bonheur, leur pa- raissait impossible, surtout parce que l'aspect des choses de la nature et chaque partie de la vie jour- nalière, soit habitude, soit que leur âme eût perdu sa vivacité première, ne leur donnaient plus, à beaucoup près, autant d'agrément qu'à l'origine. Ils allaient par la terre, visitant les contrées les plus lointaines, ce qu'ils pouvaient faire sans difficulté puisque ce n'étaient que des plaines, sans mers et sans obstacles. Au bout de quelques années, la plupart d'entre eux s'aperçurent que la terre avait des limites certaines qui n'étaient même pas assez