Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/184

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s’ils étaient reproduits par les journaux et traduits à l’étranger. C’était donc une mauvaise affaire pour l’auteur, si la vogue venait. Elle vint. Zola, dont les besoins, sans être excessifs, dépassaient le revenu de sa plume, car il n’arrivait pas à fournir même un volume par an, se trouvait en avance chez son éditeur. Il se montrait préoccupé de cette dette, et se demandait soucieusement quand il parviendrait à l’éteindre, soit en livrant volumes sur volumes, soit en cessant de solliciter des avances. Georges Charpentier, heureusement, était un éditeur généreux. Il ne pratiquait nullement les procédés stricts des libraires fameux, ses opulents confrères, qui, ayant acquis de Victor Hugo, moyennant sept cent cinquante francs, Notre-Dame-de-Paris, ce chef-d’œuvre devenu presque classique qui leur avait rapporté plus d’un million, poussèrent l’auteur à ne pas publier de nouveaux romans, tant que leur traité durerait. Victor Hugo, en effet, devait leur céder exclusivement, et pour le même prix, tout roman nouveau qu’il viendrait à produire. Le résultat fut que, pendant trente ans, Hugo ne livra point de roman, et les Misérables, bien que composés de longue date, attendirent ainsi l’expiration du fâcheux traité. Rien de semblable dans les rapports entre Zola et Georges Charpentier. Celui-ci, sur la demande de l’auteur, lui communiqua son compte, et voici la scène qui se produisit. Elle n’est pas ordinaire. C’est Zola lui-même qui l’a racontée. (Interview par Fernand Xau. 1880.) —Un jour que je demandais de l’argent à M. Charpentier, il me dit : j’ai fait nos comptes. Voici votre situation. Je constatai avec stupeur que je devais un peu plus de dix mille francs à M. Charpentier. Celui-ci, se tournant vers moi, me regarda en riant, puis, déchirant le traité :