Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/284

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… dominos sombres qui se frôlent lentement, sans bruit, au milieu des tiédeurs de la nuit sereine, et qu’on croirait être les invités d’un bal mystérieux que les étoiles donneraient aux amours des pauvres gens… Le tableau est charmant. Le Maître en tirera d’autres exemplaires, par la suite, comme lorsqu’il nous peindra ses deux petits amoureux parisiens gaminant dans les sous-sols et parmi les arceaux des Halles. Une fraîche odeur de jeunesse circule, comme un bon parfum de foin coupé, à travers ces pages savoureuses. Le poète délicat, qu’il y eut dans celui qu’on se plut à traiter de pornographe, et à considérer comme un brutaliste incapable de sentir et de décrire autre chose, dans l’amour, que la culbute et l’étreinte haletante de la bête s’assouvissant, se laisse aller à l’émotion jeune et débordante de ses deux gentils personnages. C’est avec une sincérité émue, avec un enthousiasme où il y a de l’adoration, du désir, et peut-être une secrète envie, c’est avec une effusion toute juvénile, que les chastes enivrements des deux enfants nous sont contés. La scène délicieuse du puits, miroir gracieux et truchement fidèle des amants de l’aire Sainte-Mitte, prouve une fois de plus que, dans l’œuvre de l’écrivain naturaliste, il y a place pour les peintures les plus douces et les plus fraîches, telles que le caprice d’un poète élégiaque pourrait en évoquer. Et ce n’est ni une fausse note ni une contradiction, puisque ces scènes gracieuses et touchantes se rencontrent dans la nature. Car ils sont vivants et vrais, ces deux enfants qui s’aiment, en dépit des temps mauvais et des préjugés pires. Avec quel art le romancier a su nous intéresser à eux, et mêler leur hymne de passion à la symphonie puissante et terrible de l’insurrection des gens de Plassans ! Avec