Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

es tragiques de juin, l’émeute de la faim, maudissant Cavaignac, et narrant les atrocités commises par les petits « mobiles », féroces gamins, fils d’ouvriers défenseurs des bourgeois. Ce type existait alors, et très net, très accusé. Il manque. A côté de lui, il eût fait figurer le socialiste rêveur et utopiste, ayant mal et trop lu Proudhon, énonçant de chimériques projets, construisant, avec des matériaux imaginaires, une cité future idéale et humanitaire, où seraient réalisés les plans fantaisistes des Cabet et des Considérant, fondateurs de fantastiques Icaries. Il eût aussi dessiné les silhouettes familières aux hommes de la génération qui assista à la chute de l’Empire, du jeune ouvrier froid, pincé, aux lèvres minces, lisant beaucoup, pérorant avec âpreté, n’allant au cabaret que pour y rencontrer des amis politiques, recherchant les postes de secrétaire ou de trésorier de groupes, organisant des cercles d’études sociales, et préparant, avec une flamme intérieure, révélée par l’éclat sombre des yeux, la lutte finale du prolétariat. Zola ne l’a ni vu, ni même connu, cet affilié à l’Internationale, futur délégué au comité central de la garde nationale, communard ardent, combattant du fort d’Issy ou délégué à une fonction quelconque, destiné, s’il échappait à la fusillade, aux avant-postes, au massacre du Père-Lachaise ou à l’exécution sommaire de la caserne Lobau, à être déporté en Calédonie. L’ouvrier politicien, le socialiste doctrinaire et le militant révolutionnaire absents, la représentation de la vie ouvrière se trouve incomplète et l’Assommoir n’est qu’une ébauche inexacte des mœurs et des passions de la population parisienne. Et l’estaminet clos, aux carreaux brouillés, le lupanar-café dont le numéro géant flamboyait autrefois, sur les boulevards extérieurs, à Monceau, la Patte de chat, à Rochechouart, le