Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/485

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grandes âmes. Il était profondément moral. Il a peint le vice d’une main rude et vertueuse. Son pessimisme apparent, une sombre humeur répandue sur plus d’une de ses pages cachent mal un optimisme réel, une foi obstinée au progrès de l’intelligence et de la justice. Dans ses romans, qui sont des études sociales, il poursuivit d’une haine vigoureuse une société oisive, frivole, une aristocratie basse et nuisible ; il combattit le mal du temps : la puissance de l’argent. Démocrate, il ne flatta jamais le peuple, et il s’efforça de lui montrer les servitudes de l’ignorance, les dangers de l’alcool qui le livre, imbécile et sans défense, à toutes les oppressions, à toutes les misères, à toutes les hontes. Il combattit le mal social partout où il le rencontra. Telles furent ses haines. Dans ses derniers livres, il montra tout entier son amour fervent de l’humanité. Il s’efforça de deviner et de prévoir une société meilleure. Il voulait que, sur la terre, sans cesse un plus grand nombre d’hommes fussent appelés au bonheur. Il espérait en la pensée, en la science. Il attendait, de la force nouvelle de la machine, l’affranchissement progressif de l’humanité laborieuse. Ce réaliste sincère était un ardent idéaliste. Son œuvre n’est comparable en grandeur qu’à celle de Tolstoï. Ce sont deux vastes cités idéales élevées par la lyre aux deux extrémités de la pensée européenne. Elles sont toutes deux généreuses et pacifiques. Mais celle de Tolstoï est la cité de la résignation. Celle de Zola est la cité du travail. L’autre est un éloge, écrit au lendemain même de la mort de celui à qui l’on reprochait la Débâcle, comme livre anti-patriote, presque comme un crime de lèse-patrie. Le nom des signataires de ces lignes est intéressant à retenir : ce sont les frères Paul et Victor Margueritte, les fils pieux du général de la charge héroïque, frappé à mort en criant à ses cavaliers décimés : « En avant ! pour la France et pour le Drapeau ! » Ces deux fils de soldat ne sauraient être accusés de mépriser l’armée et d’approuver un insulteur de la Patrie. À cette