Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désastres sortis de l’obscurité, tirés, par le suffrage aveugle, de leurs retraites, de leurs manoirs, de leurs sacristies, comme MM. Audren de Kerdrel, Lorgerll, Belcastel, de Broglie. Quelques jeunes hommes politiques, députes par les villes, tous républicains avancés, quelques-uns socialistes Minière, Cournet, Clemenceau, Malon, Tridon, complétaient cette assemblée non pas éclectique, mais confuse, et capable seulement d’une coalition hétérogène.

Les quelques hommes de gloire et de valeur, qui émergeaient de ces médiocres individualités, ne pouvaient obtenir ni autorité ni égards. On a vu de quelle façon insultante la démission de Garibaldi avait été accueillie, et quel manque de déférence rencontrait sa haute et sympathique personnalité. Victor Hugo ne devait pas tarder à être l’objet d’un affront semblable. Gambetta démissionnaire du gouvernement, dénoncé, traité de fou furieux par Jules Simon, odieux à beaucoup parce qu’il représentait la guerre, la résistance, craint comme républicain avancé, comme chef populaire possible, n’avait aucune action sur cette assemblée dont il ne devait pas tarder à se retirer. Les militaires, suspects, s’ils avaient servi sous la Défense, étaient peu en honneur. Les vieux républicains comme Louis Blanc et Quinet, traités de sectaires, ne comptaient pas. Seul M. Thiers apparaissait avec le double prestige d’un homme d’État consommé, jouissant d’une gloire parlementaire incontestable. Il était universellement reconnu comme un chef politique d’une rare habileté. Libre d’attaches actuelles, indépendant vis-à-vis de tous les partis, il convenait à merveille pour être à la tête d’un pouvoir transitoire, d’un régime qui « diviserait le moins ». Son pèlerinage diplomatique à travers l’Europe, son rôle de mendiant auprès des souverains, sa mission inutile et ridicule de quêteur de commisération pour la France, ou, en guise