Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/188

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nouveau, qui sortait des ruines de la patrie, ce petit homme grandi par le suffrage de vingt départements, dont la Seine.

Alors commença la troisième existence de M. Thiers.

Thiers, Monsieur Thiers, comme il libellait son nom sur ses cartes de visites, comme il s’annonçait, et comme le désignaient toujours les journalistes, les hommes politiques, était un personnage complexe et mobile, un aventurier d’une espèce particulière, et le condottiere d’une caste nullement guerrière. Ce terme de « Monsieur », qu’on lui appliquait, et qui lui est resté, devenu presque inséparable de son nom, comme un surnom, comme un titre et une qualité, — tel qu’on écrit lord Byron, Dean Swift, Don Carlos, le bailli de Suffren, — fut avant tout, et par-dessus tout, l’homme de la Bourgeoisie, son avocat, son financier, son historien, son général, son souverain, son héros, son dieu. À l’origine, un tout petit bourgeois, un fils d’artisan parvenu. Il avait obtenu une bourse, et put faire de bonnes études au lycée de Marseille, puis à la faculté d’Aix. Louis-Adolphe Thiers avait dix-huit ans lors de l’écroulement de Napoléon. Il conserva toute sa vie l’éblouissement de la chute de l’astre impérial, et cependant sa politique, ses idées, ses gouts, sauf la combativité et l’amour du militarisme, l’éloignèrent toujours de l’idée césarienne, du despotisme napoléonien. Il était, malgré son autoritarisme personnel, beaucoup plus rapproché de ces idéologues que détestait Napoléon, et qui lui rendirent bien, à l’heure de la défaite, la haine qu’il leur avait manifestée.

Plus âgé alors, et membre de la Chambre de 1814, M. Thiers eût certainement conspiré avec Laine, Destutt de Tracy et autres bourgeois libéraux ; il eût, avec eux, précipité la chute de l’empire, signé la capitulation de Paris. Il procédait de l’école des whigs anglais. Son idéal gouver-