Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/193

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nisation des finances, une police, une administration où il fallait hâter la reprise du travail, donner de l’essor à l’industrie, s’occuper de la liquidation des dettes, des charges et des chômages, issus de l’invasion, apparaissait le nouveau chef du pouvoir exécutif.

Ah ! l’ondoyant, le divers petit homme ! Il avait de l’oiseau, la mobilité, la légèreté, le babil. Il sautillait parmi les hommes, les faits, les idées, comme le chardonneret de branche en branche. Ses petites ailes lui permettaient de ne jamais tomber ; elles l’empêchaient aussi de s’élever. Cette mobilité perpétuelle se retrouve à tout instant de sa vie. Ce contraste permanent qu’il portait en lui existait au physique comme au moral. Jambes trop courtes sur un buste trop long. Il modifiait, en une heure, son attitude, comme sa politique, en une année. Tantôt, dans un salon, entouré d’amis attentifs, c’était un érudit bienveillant et disert, discutant des points délicats d’histoire ou d’archéologie, et citant des textes. Il avait alors l’air modeste et doux ; un feu paisible rayonnait sous ses lunettes ; sa redingote laissée ouverte semblait la robe de chambre du savant. Tel il était, avec ses vieux commensaux lettrées, Barthélémy Saint-Hilaire ou Mignet. Puis, brusquement, un mot, une répartie, un rien, transposaient l’attitude, le sou de voix, le geste. Le petit homme se redressait. La redingote tout à coup strictement boutonnée s’efforçait de prendre les plis du bronze. Et, la tête en arrière, la main en avant, la parole brève, parodiant, devant la cheminée Napoléon à Austerlitz, le savant paisible de tout à l’heure se faisait général au coup d’œil d’aigle. Il franchissait les monts, passait les fleuves, tournait les positions, enlevait les défenses, battait l’ennemi et sauvait la France. Tel il cabotinait avec Soult ou Jomiui. Toute sa vie fut ainsi comme un vaste kaléidoscope que les événements faisaient tourner.