Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle ressaisira la Lorraine et l’Alsace, le Rhin, Mayence, Cologne…

Ce programme, qui était celui de la Révolution et de Napoléon, la restitution à la France de ses frontières naturelles, et la reprise des limites de l’ancienne Gaule, parut trop vaste et peut-être trop dangereux à l’Assemblée. Elle protesta.

Victor Hugo s’aperçut de la désapprobation dont sa hardie vision des revanches de l’avenir était l’objet. Il s’arrêta, et fit une sorte de rétractation déguisée, sous la forme pompeuse d’une aspiration vers la pacification universelle.

Après avoir noblement riposté aux interrupteurs ; « De quel droit une Assemblée française proteste-t-elle contrôle patriotisme ? » il continua, condescendant aux injonctions de ceux qui lui criaient : nous protestons contre l’esprit de conquête :

« Laissez-moi finir vous allez me comprendre… »

Il conclut lamentablement :

Oui, la France ressaisira la Lorraine et l’Alsace. Est-ce tout ? Non ! Non ! Elle ressaisira Trêves, Mayence, Coblentz, Cologne, toute la rive gauche du Rhin. Elle criera : c’est mon tour ! Allemagne me voilà ! Sommes-nous ennemies ? Non, je suis ta sœur ! Les peuples ne feront plus qu’un seul peuple, une seule République unie par la fraternité. Soyons les États-Unis d’Europe ! Et que la France dise à l’Allemagne : « Nous sommes amies : je n’oublierai pas que tu m’as débarrassée de mon empereur, mais je viens te débarrasser du tien ! »

Cette rodomontade finale produisit peu d’effet. Victor Hugo, qui écrivait à l’avance ses discours, aurait bien dû émonder cette fin, et raturer tout le passage après les mots : « La France ressaisira l’Alsace et la Lorraine. »