Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/22

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regretter l’empire et repousser la République, les Jules Favre et les Jules Simonne s’arrêtèrent pas une minute devant ces objections sentimentales, et franchirent d’un pied léguer ces obstacles moraux. Ils réussirent, et on leur a pardonné de ne pas avoir tenu compte de ces appréhensions ; on les a même loués d’avoir poursuivi leur but, sans craindre le reproche d’avoir conspiré à la faveur de la marche en avant des armées allemandes. L’empereur était vaincu, de plus, captif alors ; ils profitaient de la situation, ne permettaient pas à l’occasion propice d’échapper ; ils ne voyaient qu’un seul résultat immédiat : la République à l’intérieur victorieuse, et la France, si longtemps asservie, en liberté. Ils n’avaient garde de laisser fuir l’heure de la revanche démocratique. Certains l’attendaient depuis dix-huit années. Se débarrasser des hommes du 2 décembre leur paraissait la chose principale, la bataille importante et la victoire nécessaire. On verrait après à repousser les uhlans.

On ne saurait dire que la grande majorité de la population les excita. Ce n’était pas qu’on fût très attaché au régime impérial, ni que l’empereur, personnellement, eût inspiré des dévouements irraisonnés et des fidélités impulsives comme les anciens rois déchus et les prétendants dépossédés en ont toujours rencontré. On supportait l’empire sans l’aimer. On le considérait comme un régime donnant surtout la prospérité. Le plébiscite écrasant du mois de Mai précédent avait, non pas absous le passé ni sanctionné le principe dynastique impérial, mais consolidé le présent et ménagé l’avenir. Les Français, en votant « oui », n’absolvaient ni ne donnaient carte blanche à l’empereur. Ils lui renouvelaient seulement le mandat de main-