Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/258

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abandonné, c’était la frontière sans défense, la porte ouverte à l’invasion, c’était l’ennemi chez nous, dans nous. Paris, qui, avec la longue résistance de son siège, avait déjà sauvé l’honneur, sauva en cette circonstance, par son sacrifice d’amour-propre, ce qui pouvait être préservé de notre territoire. La mutilation du pays, aussi intéressante pour nous que celle du vétéran dont parlait Bismarck, se trouvait ainsi atténuée. Les négociateurs savaient que Paris supporterait avec douleur, mais avec une énergie résignée, cette humiliation nouvelle, cet abus surabondant de la victoire. Ils se soumirent à la volonté du vainqueur. Ils ont bien fait.

L’empereur d’Allemagne tenait à parader dans Paris, ne fût-ce que d’une façon hâtive, et se contentait d’une occupation restreinte, presque furtive. C’était une satisfaction morale qu’il voulait donner à ses troupes, et à lui-même. Il savourait, en cette démonstration militaire, la revanche des entrées triomphales des armées françaises à Berlin, dans toutes les villes allemandes, au temps de nos gloires défuntes. Bismarck voulait aussi frapper l’opinion, en France et à l’étranger. La victoire de l’Allemagne ne paraîtrait décisive et complète qu’avec l’entrée dans Paris.

Il se mêlait encore à ces sentiments politiques et militaires une pensée d’orgueil personnel, de respect humain, chez Guillaume. M. Thiers l’a fort bien indiqué : « Les Prussiens avaient grande appréhension… « (Enquête Parlementaire, p. 118 citée.)

L’occupation s’accomplit dans les termes stipulés. Elle n’eut guère la caractère triomphal de ces apothéoses guerrières, dont l’antiquité avait gravé le cérémonial dans les mémoires, consigné le fastueux souvenir dans les histoires, et laissé l’exemple et l’envie aux conquérants futurs. On dit que bien des officiers allemands pestèrent, en considé-