Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/278

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tout Paris en armes, marchant sur Versailles, et l’occupant, ce qui serait arrivé, si, le 20 mars, le Comité Central avait eu l’intelligence de la situation, et aussi s’il avait possédé l’énergie révolutionnaire. Thiers voulait seulement désarmer la garde nationale, lui enlever ses canons, ses fusils et aussi son organisation, son rôle de force armée indépendante. Au point de vue gouvernemental, pour le rétablissement de la tranquillité publique, pour le recouvrement du crédit indispensable à la libération, si désirable, du territoire, il n’avait pas entièrement tort, mais est-il excusable d’avoir écarté cauteleusement toute possibilité de transaction et d’apaisement ? N’est-il pas coupable d’avoir combiné tous les éléments d’un incendie, pour avoir la gloire de l’éteindre ? Il s’est débarrassé, grâce aux flammes par lui allumées, de tout ce qu’il jugeait nuisible à son pouvoir, de tout ce qui faisait obstacle à la république constitutionnelle, l’orléanisme sans un prince d’Orléans, la seule forme gouvernementale qu’il comprît, dont il poursuivait, avec ténacité, l’établissement. L’Histoire doit répondre qu’il fut criminel, en provoquant, par tous les moyens à sa disposition, une insurrection, pour la réprimer ensuite. Les souvenirs de 1848 le guidaient : il avait déjà proposé vainement, au 24 février, de sortir de Paris avec l’armée, pour y rentrer victorieux, et il savait que Cavaignac, en juin, avait laissé grandir l’émeute pour motiver une répression impitoyable.

Ce serait une opinion fausse, et un jugement téméraire, que de croire qu’il voulut seulement asseoir sa domination et perpétuer son pouvoir. L’ambition personnelle fut secondaire dans la conception de son plan. Thiers pensa et agit comme les sectaires fameux. Il eut alors l’âme d’un Torquemada et la doctrine d’un Marat. C’était pour le bien des Parisiens qu’il pointait sur eux les canons. Il croyait sau-