Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/324

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par abandon, lui fissent trop aisée la tâche de sauveur de l’ordre, soit qu’une proposition de céder les canons à l’artillerie, ou de les répartir entre chaque bataillon, comme l’avait indiqué le colonel Langlois, fût, aux yeux de tous, trop avantageuse et trop loyale pour pouvoir être refusée, s’il tardait encore, il manquait l’occasion cherchée d’un coup de force. Le combat, et en même temps la répression, lui échapperaient. Il était encore à même d’entamer une lutte le samedi 18, mais, le dimanche 19, il serait peut-être trop tard.

Le second motif qui fit choisir cette date, ce fut la réunion prochaine de l’Assemblée. Elle venait siéger à Versailles le lundi 20 mars. C’étaient deux jours pleins devant soi. Ce délai était suffisant pour agir et vaincre. La résistance, sur laquelle Thiers comptait, ne pouvait se prolonger plus de trois jours. C’est la durée normale des insurrections parisiennes. Le dimanche verrait sans doute le fort de la lutte, et le lundi matin, les rebelles seraient écrasés, les barricades prises ; alors l’armée, maîtresse de toutes les positions, ne rencontrerait plus devant elle que des fuyards et des prisonniers. Ce serait l’œuvre de la police de continuer la victoire. Quant à lui, avec une modestie triomphale, dès l’ouverture de la séance, il monterait à la tribune et apprendrait à l’Assemblée le commencement et la fin de l’émeute : Paris soumis, et plus de canons braqués sur la ville ! Non seulement les factieux allaient être immédiatement désarmés et châtiés, mais même les bataillons restés fidèles remettraient leurs fusils, ceux-là volontairement.

Le rôle de la garde nationale serait donc fini. L’Assemblée, avec plus de sécurité qu’au temps où Changarnier s’efforçait de la rassurer, pourrait délibérer en paix. Il n’aurait plus lui, Thiers, qu’à recueillir les applaudissements et les félicitations de la représentation nationale, heureuse