Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA SURPRISE

Les canons de Montmartre, depuis plusieurs jours (voir le récit du Monde illustré ci-dessus), étaient très faiblement gardés. Quelques factionnaires, se relevant mélancoliquement, veillaient au Champ Polonais, et plus bas, sur un plateau de la Butte, où se trouvaient aussi des canons. Dans la rue des Rosiers, maison No 6, propriété de Mme Vve Scribe, était le poste fournissant les sentinelles. Ce poste avait reçu quotidiennement, dans les premiers jours du transport des canons, une soixantaine d’hommes. Puis on l’avait progressivement dégarni. Il n’était occupé, dans la nuit du 17 au 18, que par 25 hommes. Un bataillon de Montmartre, le 61e, les avait fournis. Il y avait 7 factionnaires espacés, qui montaient la garde autour des canons. C’était tout à fait insuffisant, étant donnée la vaste superficie des plateaux de la Butte devenus des pares d’artillerie, pour assurer contre toute surprise les pièces et leurs surveillants. Le poste de la rue des Rosiers ne pouvait même essayer une défense quelconque : 25 gardes nationaux contre deux brigades d’infanterie, renforcées de gendarmes, de sergents de ville, sans compter les soutiens et réserves, ce ce n’était point là une force, et l’insignifiance de la garnison de cette redoute de Montmartre, dépeinte comme formidable et menaçante, démontre que, ni cette nuit-là, ni les jours précédents, on ne s’y attendait à une agression. On voit aussi que le fameux comité de Vigilance de la rue des Rosiers se montrait fort peu vigilant. Il est excusable, et sa confiance était naturelle. Il pensait, avec tout le monde, qu’il n’y avait plus de raison de se préparer à repousser une attaque imaginaire, de plus en plus invraisemblable, et qu’on n’aurait pas à se mettre en garde contre des assaillants qui ne se présenteraient jamais. Il est évident que, si