Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/455

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poing, nous accablent d’injures, et nous crient qu’on va nous tuer.

« Nous arrivons dans ce cortège infernal au haut de la Butte, et l’on nous fait entrer dans une petite maison, située rue des Rosiers ; j’ai remarqué le nom de cette rue. Cette maison est composée d’une porte cochère, d’une cour découverte, d’un rez-de-chaussée, et a deux étages. La foule veut s’engouffrer avec nous dans la cour, mais tous ne peuvent pas nous suivre, car ils sont près de deux mille.

« On nous tire un coup de fusil, au moment où nous entrons dans la cour, mais personne n’est touché.

« Un nous bouscule dans une salle étroite et obscure, au rez-de-chaussée, et le vieux décoré de Juillet, à la barbe blanche, nous dit que le Comité va statuer sur notre sort.

« Le général Lecomte demande à voir immédiatement ce Comité, répétant maintes fois que nous sommes arrêtés depuis le matin, sans raison et sans jugement. On lui répond qu’on va le chercher. Le capitaine Mayer, qui nous avait protégés des brutalités des hommes armés du Château-Rouge, n’était pas monté avec nous à la rue des Rosiers, mais nous eûmes à nous louer grandement, en son absence, du lieutenant Meyer du 79e bataillon, qui nous fit bien des fois un rempart de son corps, et d’un jeune garde national, dont malheureusement le nom m’échappe, et qui me défendit vingt fois contre les attaques de la foule.

« Et le Comité n’arrivait toujours pas ! La foule, lasse de l’attendre, lui et sa décision, avait brisé les carreaux de la fenêtre, et, à chaque instant, nous voyions un canon de fusil s’abattre vers nous ; mais les officiers de la garde nationale, comprenant toute la gravité de notre situation, et revenant trop tard sur la légèreté avec laquelle ils nous avaient fait sortir du Château-Rouge, et exposés à la fureur d’une populace, qui croyait que chacun de nous avait au moins tué dix hommes de sa main dans la matinée, ces officiers relevaient les armes dirigées sur nos poitrines, parlaient à la foule qui hurlait : « À mort ! » tâchaient de gagner du temps, nous promettaient qu’ils défendraient notre vie au péril de la leur.

Mais tout cela ne faisait qu’irriter davantage la foule qui burlait toujours notre mort.

Le châssis de la fenêtre se brise sous les efforts du dehors, et livre passage aux plus furieux. Dois-je dire que les premiers