Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/358

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ses gestes mesurés, dans sa parole nette, surtout dans son regard franc et profond. Ce caractère d’opiniâtre vouloir, qui contrastait avec son apparence jeunette, perçait sous la toge, s’accentuait sous la tunique du chef de bataillon. Ce fut l’uniforme qu’il porta constamment durant la Commune. La simarre de garde des sceaux eût-elle été de mise ? Ce costume guerrier, bien naturel à cette époque de batailles, inspira pourtant au bâtonnier Rousse, qui rendit visite, au ministère, à son jeune confrère devenu son supérieur hiérarchique, d’injustes réflexions, fort sottes et déplacées.

Dans un récit de cette entrevue, publiée par la Revue des Deux-Mondes, le ci-devant bâtonnier a dépeint à sa façon ; pour amuser le public académique et complaire à ses confrères réactionnaires, le costume, le cabinet et l’entourage de Protot :

Dans cette grande pièce solennelle, a-t-il dit, pleine de si imposants souvenirs, où ont passé les plus hautes gloires de nos magistratures, une demi-douzaine d’individus très sales, mal peignés, en vareuses, en paletots douteux, ou en vieux uniformes, ramassaient des papiers entassés pêle-mêle sur des tables, sur des chaises, sur des planches. Devant le grand bureau de Boulle, j’aperçus un long jeune homme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, mince, osseux, Sans physionomie, sans barbe, sauf une ombre de moustaches incolores, bottes molles, veston râpé, sur la tête un képi de garde national orné de trois galons. J’étais devant le garde des sceaux de la Commune. Il se tenait debout, des lettres à la main. En me voyant, il devint très pâle, et m’invita poliment à m’asseoir, pendant que ses secrétaires continuaient à dépouiller la correspondance…

Maxime Vuillaume qui assistait à l’entrevue, c’était lui qui avait introduit Me Rousse, a rectifié ce portrait, qui n’est qu’une caricature malveillante.

Les individus mal peignés, très sales, étaient mes amis, dont j’ai déjà dit les noms. Plusieurs, fils de riches bourgeois :