Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/140

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voir de l’insurrection, sans un coup de feu. Les soldats qui le gardaient livraient leurs armes avec empressement : Digeon fut maître de toute la ville en peu d’heures. Des républicains des villages voisins vinrent renforcer les insurgés. Digeon envoya aussitôt des émissaires pour susciter des mouvements analogues, à Béziers et à Cette. Perpignan avait annoncé un soulèvement imminent. Digeon eut l’intention de se rendre dans cette ville ; on ne lui en laissa pas le temps. Le 28 mars, deux compagnies de turcos arrivèrent de Marseille ; leur présence intimida la population insurge et rassura l’autre. Ce renfort contraignit Digeon et ses partisans à se concentrer, à se retrancher derrière des barricades. Des proclamations furent alors affichées par les autorités. On y apprenait aux habitants l’échec successif de la Commune à Lyon, à Saint-Étienne, à Toulouse, au Creusot, à Limoges, et l’isolement de Paris au milieu de la France entière se soumettant à l’Assemblée nationale. La débandade était dans tous les esprits, la crainte dans certains cœurs. L’énergique Digeon en vain encourageait à la résistance à outrance. Par ses paroles enflammées, par son exemple, il s’efforçait d’aviver une flamme déjà à demi-éteinte. Quelques hommes résolus restèrent seuls auprès de lui. Marcou, dont la popularité était toujours entière, arriva de Carcassonne, non pour renforcer l’émeute, mais pour l’apaiser. Il était porteur d’un sauf-conduit pour Digeon et d’une promesse d’amnistie, signée du procureur général, pour tous ceux qui évacueraient l’Hôtel-de-Ville. Digeon, avec une obstination fâcheuse pour lui et pour la poignée d’intrépides qui l’entourait, refusa l’amnistie pour ses compagnons et ne voulut pas personnellement bénéficier de la permission qui lui était offerte de gagner la frontière d’Espagne.

En vain son vieil ami Marcou le supplia d’accepter, d’é-