Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/193

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pour rien dans cette prise d’armes spontanée, qui ressemblait plutôt à un soulèvement d’émeutiers qu’à la mise en mouvement d’une armée organiste. Pour compléter la ressemblance avec les grandes commotions populaires que l’histoire a enregistrées, des femmes, animées, échevelées, trainant une ou deux pièces d’artillerie enlevées à une barricade des faubourgs, l’une de ces amazones brandissant un drapeau, l’autre à califourchon sur un canon, formèrent une grouillante et criarde procession se bousculant vers les remparts, burlant : à Versailles ! à Versailles ! Ceux qui les dirigeaient, des jeunes hommes bien intentionnés, mais toujours trop au courant de l’histoire de la Révolution, s’étaient souvenus des journées d’octobre et voulaient jouer le rôle du sombre huissier Maillard. Mais, aux 5 et 6 octobre, il s’agissait de ramener le roi à Paris, parce qu’on supposait qu’avec le retour de la famille royale la disette cesserait, et qu’on ne laisserait pas manquer de pain ces augustes otages : « Nous allons chercher le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron ! » disaient ces femmes crédules et exaspérées. Elles ramenèrent en effet le roi, la reine et le dauphin. Mais qu’espéraient les bandes féminines qui, en apprenant la fusillade de Courbevoie, voulaient envahir Versailles ? Elles n’avaient certes nullement l’intention de faire rentrer M. Thiers et l’Assemblée à Paris. Elles ne désiraient nullement leur présence, et eussent sans doute injurié et griffé membres du gouvernement et membres de l’assemblée, s’ils fussent tombés sous leurs ongles. Elles ne pouvaient raisonnablement songer à entrer en ligne et à faire le coup de feu aux avant-postes. Elles n’avaient ni fusils, ni artillerie sérieuse. Ces bandes féminines remplissaient le rôle du chœur tragique. Elles se lamentaient à l’évocation des victimes du combat, elles criaient vengeance, elles stimulaient aussi les courages, réveillaient les ardeurs, réclamaient la