Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/219

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au-delà d’un rayon de vingt lieues, ou bien céderait-on sur ce point en permettant le maintien de garnisons à proximité de Paris, comme cela serait probablement demandé par Versailles ? Ils supposaient que l’armée se trouvait encore dans le même état d’esprit, dans la même désorganisation qu’au matin du 18 mars et qu’elle se débanderait à la première collision sérieuse. Le combat de Courbevoie ayant été une surprise, ils se demandaient, dans cette aberration optimiste, s’il était sage, s’il était généreux aussi d’aller provoquer ces soldats, qu’on supposait prêts à fraterniser. Devait-on traiter en ennemis de pauvres esclaves attendant l’affranchissement ? Ces hommes ne désiraient que se soustraire à la surveillance arrogante des officiers et des gendarmes. Certainement ils guettaient l’heure de la désertion en masse. Et puis, ce Bergeret et les autres guerriers, dans leur appétit professionnel de la poudre et de la gloriole, tous désireux de jouer au soldat, se prenant pour de grands capitaines, ne risquaient-ils pas de compromettre une pacifique victoire qui était certaine ? Ces imprudents batailleurs, en commandant le feu, obligeraient à épauler ces soldats dégoûtés, qui s’apprêtaient à lever la crosse en l’air ! Ces sottises avaient cours dans la Commission, et Félix Pyat en était l’ardent propagateur. Le bon sens et la logique étaient cependant avec Eudes, Duval Bergeret, Flourens, et non avec ces philosophes et ces nigauds.

LA FOULE SUR LA ROUTE

La foule armée était donc, dans la soirée du dimanche, descendue des faubourgs. En rangs brisés et tumultueux, elle montait l’avenue des Champs-Élysées et s’entassait confusément aux abords des remparts. Elle partageait en