Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/250

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appellent le don-quichottisme. L’Espagne est morte d’avoir tourné en ridicule son héros, et ceux qui auraient pu lui ressembler. Prenons garde de manquer un jour de don Quichottes. Ils sont précieux et rares les paladins qui se jettent au devant des moulins à vent, croyant se mesurer avec des géants, et qui mettent la lance en arrêt sur de paisibles moutons, mais aussi hardiment disposés au combat que si ces adversaires dérisoires eussent été de vrais géants et des lions redoutables.

Gustave Flourens fut un patriote outrancier, un révolutionnaire plutôt sentimental, et avant tout un homme d’action. Il fut sans doute téméraire, mais intrépide en même temps il a rendu respectables ses témérités. C’était un penseur, un savant, un lettré. Il ne put jouer qu’un rôle au second rang tout en paraissant fait pour le premier. Il est mort, au début de l’insurrection, à trente-trois ans, mais il ne parut pas avoir les qualités ou les défauts nécessaires pour devenir, dans une époque de révolution, une figure de premier plan. À sa place, il n’en demeure pas moins une personnalité remarquable et à divers titres intéressante. Tous ceux qui l’ont connu dans la sincérité de la camaraderie ont conservé de lui un cher et attendri souvenir.

Gustave Flourens est un parisien de Paris. Il était né le 4 août 1838. La Commune, comme nous l’avons signalé au cours de ces brèves notices, eut beaucoup de ses chefs issus de la petite bourgeoisie ; il appartenait, lui, à la haute classe bourgeoise, à l’aristocratie de la science. Il jouissait de trente mille francs de rentes, et avait été élevé dans l’élégance. Son père était académicien, professeur au Collège de France, naturaliste renommé, commentateur de Buffon et l’un des savants les plus honorés de l’Europe. Flourens avait la taille haute, le corps élancé, des gestes aisés, des