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Lui ayant appliqué le canon de son fusil dans l’oreille, Flourens resta immobile. Il était mort.

Ici je devrais m’arrêter, mais bien d’autres outrages attendaient, à Versailles, le cadavre de ce grand penseur révolution paire ; si je ne les avais vus de mes propres yeux, je n’y croirais pas.

Il est donc indispensable que je conduise le lecteur à Versailles, la ville infâme et maudite, pour raconter les faits jusqu’au moment où on me sépara du cadavre de Flourens.

Mon ami avait cessé de souffrir, ma grande souffrance commençait en ce moment. Le meurtrier de Flourens part, je restai à la merci des gendarmes qui hurlaient comme des hyènes autour de moi.

On me fit lever, et on me plaça debout à côté du cadavre de Flourens, pour être fusillé.

Un des gendarmes eut l’idée de m’adresser la parole ; lui ayant répondu avec horreur et dégoût, il fit pleuvoir sur moi une avalanche de coups et d’insultes.

Ce contre-temps me sauva la vie, un sous-lieutenant de gendarmerie, passant par là, demanda qui j’étais.

— « C’est l’aide-de-camp de Flourens ! » répondirent les gendarmes. C’est pour cela que je suis connu avec ce titre.

— C’est malheureux, dit le sous-lieutenant, ce n’était pas ici qu’il fallait le tuer, mais le fusiller à Versailles.

En parlant de moi, il dit : Garrottez-moi ce coquin comme il faut, on le fusillera demain à Versailles, avec d’autres canailles que nous avons faits prisonniers.

Je fus solidement garrotté comme il l’avait ordonné, on fit venir un tombereau avec du fumier, on me jeta sur les jambes le cadavre de mon pauvre ami.

Nous nous mimes en route pour Versailles, au milieu d’un escadron de gendarmes à cheval.

La nouvelle de l’arrivée de Flourens nous avait précédés.

À la porte était un régiment de soldats qui ignoraient sa mort, tiraient les baguettes de leurs fusils, pour le frapper.

Nous arrivâmes au milieu d’une population, ivre et féroce qui hurlait : À mort, à mort !

À la préfecture de police, je fus mis dans une chambre avec le cadavre de Flourens à mes pieds.

Des créatures, élégamment vêtues, la plus grande partie en