Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ménilmontant. On l’interrogea. Le soupçon venait qu’un socialiste tel que lui, désertant la cause de l’Assemblée et du gouvernement, se rendait au tas de pavés des insurgés. Proudhon haussa les épaules : « J’allais tout bonnement, répondit-il avec tranquillité, contempler la sublime horreur de la canonnade ! » Paris en révolte, aux sombres journées de juin, éveillait en lui une sensation d’artiste.

Homme prodigieusement doué, formidablement complexe, véritable protée intellectuel, il fut donc successivement, et parfois simultanément, linguiste, économiste, philosophe, pamphlétaire, historien, polémiste, exégète, législateur, éducateur. Il mérite aussi d’être classé parmi les artistes. Par le style, d’abord : les préoccupations esthétiques, qui ont marqué surtout la fin de sa laborieuse carrière, lui donnent droit de cité dans l’art. Il a même abordé le théâtre, ou du moins l’art dramatique, et a laissé le scénario d’un drame philosophique : Galilée[1].

L’encyclopédique Proudhon est notre Hegel et notre Kant, avec le calme en moins et l’éloquence en plus. Un hommage solennel et mérité lui fut rendu, le 14 août 1911, à Besançon. Ce jour-la, dans sa ville natale, déjà glorieuse par la naissance de Victor Hugo, la statue de Proudhon, œuvre du sculpteur Lauthier, fut inaugurée, au milieu des acclamations, le Président de la République présidant la cérémonie. Une ode due à M. Couyba, depuis ministre du Commerce, en littérature Maurice Boukay, et un remarquable discours de M. Viviani, ministre du Travail, célébrèrent la gloire, officielle et posthume, de l’illustre enfant de Besançon.

Ce fut à la fois une réhabilitation et une consécration.

  1. L’auteur, ayant acquis la propriété de ce manuscrit de Proudhon des mains de M. Lacroix, éditeur et ami de Proudhon, en a fait la publication, avec une étude critique dans la Nouvelle Revue, en 1854.