Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fus de conspirateur masqué, un renom vague de lutteur toujours vaincu dans une lutte inégale avec les pouvoirs établis, une célébrité romantique de captif légendaire, dans le genre de Latude, voilà surtout ce qui est resté de lui dans la mémoire populaire, On a négligé, ou ignoré, la véritable valeur de ce lutteur opiniâtre et patient. Bien peu savent que cet émeutier incorrigible et ce conspirateur récidiviste fut un penseur de premier ordre, un politique supérieur, portant en soi le génie sombre et la diplomatie impitoyable des profonds et durs hommes d’état du seizième siècle. À travers les obstacles, les périls, les insultes et les souffrances il a poursuivi son but et affirmé son idéal. Ce qui a nui à Blanqui, et étouffé le bruit que son nom, ses doctrines, ses actes devaient produire de son vivant, et après sa mort, c’est le sombre vêtement de coupe romantique dont il lui plut de s’envelopper. Toute sa vie, il demeura le carbonaro qu’il avait été dans sa jeunesse. Il ne comprenait la politique que pratiquée dans les souterrains. Les affiliations, les mots de passe, les menées secrètes étaient ses moyens d’action. Il fut le dernier disciple et le continuateur de Babeuf. Il ne comptait que sur un coup de force hardi, préparé dans l’ombre, éclatant brusquement comme une mine, pour mettre en ses mains le pouvoir. Alors il pourrait appliquer ses idées et achever la révolution politique de 89 par l’avènement du prolétariat. Malheureusement la mine éclata trop tôt, ou trop tard, rata, et le pouvoir lui échappa toujours.

Rien ne semble plus opposé au mouvement du Dix-Huit mars, et à toute l’insurrection communaliste, que la méthode et la doctrine de Blanqui. Il n’y eut pas de complot, pas de conjurés, pas de mot d’ordre alors. La Révolution fut préparée par les événements, et ce fut Thiers qui en donna le signal par son attaque de la Butte. Ensuite ce