Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/153

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le fameux et mystérieux recueil de poésies brûlantes, le Livre d’amour, où Sainte-Beuve célébra la plus belle et la plus désirable de ses « inconnues ».

Verlaine se retira enchanté de l’accueil cordial, simple et familier, peut-être à l’excès, du grand homme. Dans la jeunesse, on est malgré soi désillusionné quand on se trouve tout à coup en présence d’un de ces êtres à part, divinités de l’art ou de la pensée, et qu’on leur parle, et qu’ils vous répondent, à la façon des autres hommes, ce qui est, d’ailleurs, raisonnable et louable. Mais la simplicité peut déconcerter. Un campagnard, venu à Paris pour placer d’assez fortes économies, par hasard dans les bureaux de la rue Laffitte, se trouva en face du baron de Rothschild. L’homme rustique fut abasourdi en voyant le roi de la finance, vêtu comme tout le monde, en l’entendant s’informer, sur le ton ordinaire, de ce qu’il y avait de nouveau, et monter ensuite dans un coupé l’attendant à la porte. Il supposait que le roi de la finance ne marchait que drapé dans un manteau d’or, avec une canne en diamants pour sceptre, et qu’il ne sortait qu’en carrosse à six chevaux, comblé de laquais, environné de l’acclamation populaire. Il y a un peu de ce sentiment de déception, succédant à une trop mirifique illusion, dans l’impression du premier contact d’un jeune écrivain avec un maître à l’apogée de la gloire.

Ce caractère de simplicité, cette admirable familiarité de Victor Hugo, l’une de ses plus précieuses facultés, contrastant avec la majesté de son génie, n’étonnèrent pas que Verlaine. Il y eut même une polémique assez amusante entre François Coppée et un jeune journaliste, Victor Noir, la future malheureuse victime du pistolet de Pierre Bonaparte, dans la maison mémorable d’Auteuil. Un articulet, en soi inoffensif, mais interprété avec irri-