Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/246

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rendre ». Du tout ! disait un autre narrateur, qui paraissait mieux renseigné, c’est le capitaine Un tel, de la 4e du deux de tel régiment d’infanterie ! On donnait le numéro du régiment victorieux, qui avait cerné l’état-major du prince. C’est à ce capitaine que le prince avait dû rendre son épée. Plus loin, on racontait les prouesses des turcos. Dans un autre groupe, on annonçait l’arrivée à Paris des drapeaux conquis sur l’ennemi. On conseillait de les promener sur les boulevards, avant de les suspendre à la voûte des Invalides…

Tout à coup, de la Bourse, parvint le brutal démenti : on avait été battu. Mac-Mahon était en pleine retraite. C’était un désastre complet, présage lugubre des défaites futures.

Verlaine, qui avait passé la journée de la veille en démarches au commissariat de police et à la mairie de Passy, pour l’enterrement du pauvre Lambert de Roissy, et la journée au cimetière, n’avait pas eu le temps de lire les journaux. Il tombait au milieu de ce brouhaha, ignorant tout, ne comprenant rien. Au café de Madrid, des camarades rencontrés lui apprirent la situation, et il fut rapidement au diapason de la surexcitation générale. Il dépassa même quelque peu l’exaltation ambiante, car il venait d’avaler coup sur coup deux apéritifs corsés. Un régiment passa sur le boulevard : les camarades qui l’avaient renseigné, presque tous des journalistes de l’opposition, se mirent à crier : Vive la République ! Nous nous réunissions alors à ce café de Madrid, tenu par Bouvet, avec Delescluze, Charles Quentin, Peyrouton, Jules Ferry, Henry Maret, Lissagaray, et bien d’autres, disparus ou morts depuis.

Verlaine, debout, criait comme les autres, se faisant remarquer par son chapeau très haut de forme, le para-