Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/263

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lors de sa première équipée, une sorte de profession de foi qu’il qualifiait de « littératuricide d’un rhétoricien émancipé ».

Il se déclara absolument écœuré par toute la poésie existante, passée ou présente. Racine, peuh ! Victor Hugo, pouah ! Homère,… oh ! lala !… L’école parnassienne l’avait un instant amusé, mais pfuitt ! il n’en parlait plus qu’avec rancœur. Verlaine seul, qu’il n’avait jamais vu, mais dont les Poèmes Saturniens lui étaient passés sous les yeux, avait trouvé grâce devant lui. À part ce poète, il n’admirait aucun être sous le soleil ; il n’avait foi qu’en lui-même.

Rimbaud prit encore congé de sa famille pour venir à Paris en février 1871. Il arriva chez André Gill. Pourquoi ? Peut-être parce qu’en route quelque caricature du célèbre dessinateur avait frappé ses yeux. Il pénétra chez Gill, avec une liberté d’allures étourdissante. Cette hardiesse froide, ce mépris de toute convenance, cette absence de respect des usages, fut un des côtés saillants de son caractère. L’artiste était absent de son atelier, et il avait laissé, avec sa confiance habituelle, sa clé sur la porte. Quand il revint, il s’arrêta sur le seuil, légèrement surpris de trouver un hôte inconnu allongé sur le divan et ronflant vigoureusement. C’était un enfant. Toute idée de méfait fut écartée immédiatement.

Il secoua le dormeur, lui demandant : Que faites-vous là ? Qui êtes-vous ? Arthur Rimbaud se nomma, dit qu’il habitait Charleville, qu’il était poète, qu’il venait pour conquérir Paris, et il ajouta, en se frottant les yeux, qu’il regrettait d’avoir été réveillé si vite, parce qu’il faisait de bien beaux rêves. — « Moi aussi, répondit Gill, avec sa grosse jovialité, et son air bon garçon,