Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/296

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vu l’intronisation plus que royale du Lord Maire ; du dor partout, trompettes, troubades, bannières, huées et vivats.

Je profite de cette lettre pour maudire comme il faut l’abominable ox tail sup ! Fi, l’horreur ! Il y a aussi le « coffee plain per cup », mélange affreux de chicorée torréfiée et de lait évidemment sorti du tétin du père Mauté ! Most horrible ! Et le gin donc ! De l’anisette extraite des W. C.

Le poisson est horrible : sole, maquereau, merlan, etc., tout cela ressemble à de la pieuvre, c’est mou, gluant, et coulant. On vous sert avec une sole frite une moitié de citron, grosse comme un cœur de canard ; viande, légumes, fruits, tout ça bon, mais bien surfait. Bières tièdes. Les établissements de consommation anglais proprement dits méritent une description : « Au dehors c’est gentil, mais au dedans ça s’encrasse » [refrain d’opérette sur les fusils aiguilles]. La devanture est en bois couleur d’acajou, mais avec de gros ornements de cuivre. À hauteur d’homme, le vitrage est en verre dépoli, avec des fleurs, oiseaux, etc., comme chez Duval. Vous entrez par une porte terriblement épaisse, retenue entr’ouverte par une courroie formidable, — et qui (la porte) vous froisse les fesses après avoir le plus souvent éraflé votre chapeau. Tout petit, l’intérieur : au comptoir d’acajou une tablette en zinc, le long duquel, soit debout, soit perchés sur de très hauts tabourets très étroits, boivent, fument et nasillent messieurs bien mis, pauvres hideux, portefaix tout en blanc, cochers bouffis comme nos cochers et hirsutes comme eux. Derrière le comptoir, des garçons en bras de chemise retroussés, ou des jeunes femmes généralement jolies, toutes ébouriffées, élégamment mises avec mauvais goût, et qu’on pelotte de la main, de la canne ou du parapluie, avec de gros rires, et apparemment de gros mots, qui sont loin de les effaroucher. C’était hier samedi, c’est le lundi d’ici. Que de pochards ! — Hier soir, à Leicester square, une troupe de musiciens allemands faisait son vacarme devant les cafés, quand tout à coup un Anglais, ivre horriblement, s’empare du pupitre d’un des pauvres diables, et lui tape, au milieu de l’indifférence générale, à coup redoublés sur la tête, jusqu’à ce que le malheureux tombât. Arrestation, d’ailleurs.

J’oubliais de dire que les wine-rooms, alsops bars et autres mastroquets indigènes, grâce à l’acajou crû de leurs entable-