Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/366

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moi ce seul mot : Si tu ne reviens pas chez nous, je me tue !… » (Mes Prisons, p. 69.)

Le curieux et intéressant volume des Prisons n’a rien du larmoyant récit d’un émule de Silvio Pellico. Verlaine n’avait pas le tempérament pleurnichard. Comme nous le verrons pour Mes Hôpitaux, il ne se plaint que doucement et railleusement, dans les pires séjours. Jamais il ne maudit la destinée ; il ne montre pas le poing aux dieux hostiles, et n’apostrophe ni la société, ni les agents sociaux, avec lesquels il éprouve des contacts pénibles. Il n’a jamais voulu se montrer geignard, réclameur, encore moins anarchiste. Sauf deux ou trois exceptions, dont les Invectives ont conservé la trace, et ces indignations-là furent plutôt des boutades d’agacement, il n’a jamais attaqué ni diffamé aucun de ceux qui lui firent du mal directement, ou par la répercussion des circonstances, des fonctions. Dans ces fragments de mémoires, où il est amené à parler de ses lieux de captivité et de ceux qui le gardaient, il n’a ni haine, ni injures. En racontant ses tribulations, il ne s’indigne ni ne proteste. Avec une sincérité bien rare, il reconnaît que la majeure partie de ses malheurs est due à lui-même, à ses erreurs, à ses fautes, à sa faiblesse. Il se complaît même dans cette accusation de lui-même. Avec une vaniteuse humilité, il confesse tous ses torts. Il aimait assez, sur ce chef, à se comparer à saint Augustin. Il poussa si loin cette absence de rancune et ce manque d’animosité envers les hommes, les institutions et les choses, qu’il n’a même pas de réflexions critiques sur le régime pénitentiaire, dont il avait pu expérimenter et juger les rigueurs excessives, inutiles ou inhumaines. Bien plus, il va jusqu’à regretter la cellule, qu’il considère comme un creuset épuratoire, où se précipitent les