Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/448

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conjugale, en rouge sinistre, un mari voulant faire trembler et non rire les gais et insoucieux larrons d’honneur. Le drame ne fut jamais achevé, et j’en ai seulement conservé les premiers actes interrompus. Peut-être y avait-il là les éléments d’une bonne pièce. J’ai, de plus, un autre plan de drame, l’Alchimiste, que nous devions également écrire ensemble, et qui ne fut même jamais entamé. Les deux saynètes que Verlaine a laissées : Madame Aubin et les Uns et les Autres, cette dernière pièce représentée à son bénéfice au théâtre du Vaudeville, ne peuvent compter comme productions dramatiques sérieuses. C’était pur badinage de salon et amusement d’atelier.

Il lui restait, en dehors de sa veine poétique, toujours abondante, originale, colorée et chantante, un filon de prose à exploiter. Il était surtout ce que les Anglais nomment un « essayst ». Il excellait dans de petits morceaux allongés de digressions, souvent heureuses et inattendues, où il notait les choses vues, les impressions ressenties. Il maniait, çà et là, fort gentiment, la férule du critique ; il se sentait plutôt porté à louanger. Il réussissait à ravir les descriptions humouristiques des sites aperçus, des paysages parcourus, des intérieurs visités, et des gens rencontrés. Les Mémoires d’un veuf, Quinze jours en Hollande, contiennent en ce genre de menus chefs-d’œuvre, qui figureront plus tard dans les recueils de morceaux choisis de nos prosateurs. Les fragments de ces « croquis londoniens » inédits, qu’on a lus plus haut, jetés au hasard de la correspondance, dans les lettres qu’il m’écrivait d’Angleterre, et qu’il ne pensait aucunement devoir par la suite reunir en volume, donnent une très favorable idée du talent d’observateur urbain de Verlaine. Il ne décrivait pas moins heureuse-