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PLAISIRS RUSTIQUES

pressai d’acheter, pour avoir bien à moi un aussi précieux trésor ; l’Ensorcelée de Barbey d’Aurevilly ; deux volumes d’un poète alors tout à fait inconnu : les Poèmes Antiques et les Poèmes Barbares, de Leconte de Lisle ; les Émaux et Camées, de Théophile Gautier, dans une petite édition in-18 à couverture rosée, aujourd’hui rarissime ; les Cariatides, de Théodore de Banville, les Vignes Folles, d’Albert Glatigny, et enfin un ouvrage que je jugeais fort ennuyeux, et que Verlaine semblait priser fort, l’Histoire de Port-Royal, de Sainte-Beuve.

Ce salmigondis des premières lectures est intéressant pour l’analyse d’une formation intellectuelle.

Avec avidité on lisait tout ce qui tombait sous la main. La bibliothèque Sainte-Geneviève et un cabinet de lecture sis en face la Sorbonne nous fournissaient cette base de lectures fondamentales, ces matériaux d’assise sur lesquels il convient de bâtir tout avenir littéraire. Nous lûmes alors, pêle-mêle, car nous nous signalions et nous nous repassions les volumes : les classiques grecs, mal traduits au lycée, considérés comme des pensums, les historiens Michelet, Henri Martin, Vaulabelle, Louis Blanc, les philosophes Descartes, Nicole, un ou deux ouvrages de Proudhon, dont la Justice dans la Révolution et dans l’Église, alors interdit, Émile Saisset, Jules Simon, beaucoup de livres de critique, Villemain et ses tableaux de la littérature au xvie siècle, Philarète Chasles et son Moyen-Âge, Sainte-Beuve et ses Lundis, Taine et son Histoire de la littérature anglaise, puis les anciens chroniqueurs : Palma Cayet, Montluc, d’Aubigné, par nous admiré surtout comme le poète violent des Tragiques, ancêtres des Châtiments, les poèmes védiques que M. Fauche venait de traduire ; le Ramayana ou des parties du Maha-Bharata ; le théâtre étranger : Sha-