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rempli leur bourse, étaient en mesure de se passer le luxe de payer bien cher des articles dont ils n’avaient nul besoin.

Armand, de son côté, n’avait encore fait aucune avance d’amitié, et à cause de cela quelques-uns de ses compagnons l’avaient, avant la fin des vingt-quatre heures, décoré du titre de Demoiselle Armand. Il est impossible de dire ce qui leur avait suggéré de lui donner ce nom appliqué avec l’intention d’en faire un grand mépris, ou de ses manières seules, tranquilles et réservées, ou de la délicate beauté de ses traits et de son teint ; dans tous les cas, cette qualification fut promptement et universellement adoptée, au grand déplaisir de Paul.

Quelques semaines plus tard, un jour de congé que les deux frères étaient assis ensemble dans une salle donnant sur la cour de récréation, tout entourée d’une belle rangée de peupliers, leur attention fut attirée par la voix de deux écoliers qui étaient venus s’arrêter un instant près de la fenêtre où ils se trouvaient sans se douter qu’il y eût quelqu’un.

— Oui, c’est un bon couteau, dit l’un, mais je l’ai payé un bon prix ! je l’ai acheté d’un des Durand.

— Je suppose que tu l’as eu du bruyant tapageur aux gros os ? dit l’autre.

— Le plus jeune ne paraît pas avoir en effet l’esprit du commerce.

— Je crois que le plus jeune est un vrai Jocrisse, un lâche, capable de se sauver devant une souris !