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L’ONCLE BARBE-BLEUE

Quand je dis qu’elles étaient toutes là, je me trompe : Valentine n’avait pas paru depuis le déjeuner.

À la voix de leur oncle, les fillettes se levèrent précipitamment. M. Maranday avait repris un air énigmatique, impénétrable, il était impossible de savoir au juste s’il était très fâché, ou seulement contrarié ou préoccupé. Les fillettes, qui n’étaient pas très physionomistes, en conclurent aussitôt qu’il avait quelque grave reproche à faire à l’une d’elles, et chacune sonda sa conscience. De quelle lettre s’agissait-il ?

« Je n’ai écrit qu’à Papa depuis que je suis ici, déclara Geneviève.

— Et nous, chez nous, dit Élisabeth, parlant à la fois pour elle et pour sa sœur.

— Je n’ai pas d’amis, fit de son côté Marie-Antoinette.

— Cette lettre ne s’est pourtant pas écrite toute seule, reprit M. Maranday en leur montrant un papier rose qu’il venait de tirer de l’enveloppe.

— Nous pouvons lire ? demanda Geneviève innocemment, tandis que Mlle Favières pâlissait.

De quel méfait ses élèves s’étaient-elles rendues coupables à son insu ?

— Lorsque vous êtes arrivées ici, poursuivit M. Maranday, je ne vous ai fait qu’une défense. J’avais des raisons particulières pour vous interdire l’accès de toute cette partie du château connue sous le nom de l’aile sud, et où sont situés mes appartements personnels.

« Oh ! mon Dieu, pensa Geneviève, le nègre a parlé de notre visite au grenier, je suis perdue ! »

Et elle se mit à trembler. Celles de ses compagnes qui